Drawdown : le point de bascule
Le réchauffement climatique semble inéluctable. Et pourtant…
Les prévisions des compagnies pétrolières sont encore plus alarmistes que celles des groupes experts (GIEC), en visant une « augmentation de la température moyenne du globe de 5°C en 2050 » (Cyril Dion)… Sommes-nous complètement impuissants face à cette élévation des températures annoncée et à ses conséquences ? Peut-être pas. Peut-être existe un point de bascule atteignable ?
Les nouvelles sur le climat sont décourageantes. Pourtant, on sait que des solutions existent et peuvent être mises en œuvre pour « inverser le cours du réchauffement planétaire ». Paul Hawken a réuni 70 chercheuses et chercheurs du monde entier pour étudier, analyser et décrire 80 solutions. Ces 80 solutions sont classées en fonction de leurs impacts positifs. Réunies dans le magnifique ouvrage « Drawdown – Comment inverser le cours du réchauffement planétaire » (éditions Actes Sud), elles constituent un véritable plan d’action.
- Inverser le découragement
On sait que le problème est là, il n’est plus possible de l’ignorer. Il est de plus en plus facile à observer : « Les océans, en se réchauffant, renforcent la violence des ouragans, qui s’accompagnent de pluies torrentielles et d’ondes de tempête en plus grand nombre. Les phénomènes climatiques extrêmes ne feront que s’accentuer à l’avenir, et entraîneront dans leur sillage une infinité de morts et de lourdes pertes financières. » (Jonathan Foley, Directeur exécutif de la California Academy of Sciences, avant-propos).
« Tandis que la majeure partie de la population poursuit son chemin en se bouchant les oreilles, ceux qui ont assimilé les données scientifiques vivent dans la peur, parfois même dans le désespoir. » (Jonathan Foley).
Pour la majeure partie de la population évoquée par Jonathan Foley, il est peu courant d’entrer en contact avec les émotions générées par ces nouvelles. Il est possible d’éprouver de la peur à l’annonce de certaines catastrophes, de la colère face à la dévastation de notre environnement, de la tristesse… Nous ne savons généralement pas que faire de ces émotions, qui viennent nourrir notre découragement, et notre sentiment d’impuissance.
Malgré le tri de nos déchets, le raccourcissement du temps de la douche, la limitation des voyages, ou la mise en place d’un compost, nous avons bien conscience que nos gestes quotidiens ne seront pas suffisants pour changer les choses globalement.
« Drawdown » nous montre qu’il est possible d’inverser notre découragement. C’est un premier pas nécessaire, car comment agir sans espoir de réussir ? « Cet ouvrage doit devenir la feuille de route vers un monde écoresponsable. En modélisant des solutions pratiques, bien comprises et en plein essor, Drawdown nous indique la voie d’un avenir dans lequel nous pouvons inverser la tendance au réchauffement et transmettre aux générations à naître un monde meilleur » (Jonathan Foley)
Dans la préface de Drawdown, Cyril Dion évoque un discours de Paul Hawken, dans lequel il parlait du « monde qui vient » : « Je crois profondément que nous sommes tous part d’un mouvement plus important, plus profond et plus large que ce que chacun d’entre nous peut percevoir. Il évolue sous le radar des médias traditionnels. Il est non violent, vient du terrain, ne possède pas d’armée ni d’hélicoptères (…), ce mouvement anonyme est le plus divers que le monde ait jamais connu. (…) personne ne l’a initié, personne ne le dirige (…) il traverse toutes les classes sociales, est global, inquantifiable, infatigable. Il a émergé spontanément de multiples secteurs économiques, de différentes régions, de différents groupes de personnes. Il se répand dans le monde entier. (…) Il ne s’agit plus simplement des ressources naturelles ou des injustices, il s’agit d’un mouvement pour les droits civiques, les droits humains, un mouvement démocratique, c’est le monde qui vient ».
Et si le temps n’était plus au découragement ?
- Le point de bascule – Emotions
« Drawdown désigne le point de bascule à partir duquel la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, après avoir atteint un pic, se met à diminuer d’une année sur l’autre. »
Paul Hawken et les 70 chercheurs du projet Drawdown ont donc « recensé, mesuré et modélisé cent solutions conséquentes, afin d’établir un programme à suivre dans les trente années à venir pour parvenir à ce point de bascule. » Les solutions proposées ont été relues et validées par 120 experts, des botanistes aux analystes financiers, en passant par des climatologues ou encore des géologues.
Les solutions présentées (à l’exception de quelques-unes, pour lesquelles les répercussions sont considérées comme néfastes, mais qui sont pourtant exposées) « sont source de sécurité, créent de l’emploi, améliorent la santé, permettent des économies, facilitent la mobilité, éliminent la faim, réduisent la pollution, restaurent les sols, nettoient les rivières ».
« Nous pouvons être tentés de considérer que le réchauffement climatique est quelque chose qui nous tombe dessus, que nous sommes les victimes d’un destin écrit par des actes qui nous préexistent. Si nous modifions notre point de vue, et si nous considérons que le réchauffement climatique est une évolution positive, une transformation atmosphérique qui nous encourage à changer et à réimaginer tout ce que nous fabriquons, tout ce que nous faisons, alors nous entrons dans un monde différent. »
« Nous voyons le réchauffement climatique non comme un événement inévitable mais comme une invitation à bâtir, à innover, à tout changer ; il nous ouvre la voie de la créativité, de la compassion et du génie ».
Le point de bascule du cours du réchauffement climatique est peut-être aussi celui du découragement et de l’impuissance vers la créativité, la compassion, et le génie.
C’est une vision certainement constructive et encourageante.
- Le point de bascule – Energie
Parmi la vingtaine de solutions proposées dans le domaine de l’énergie, il s’agit principalement d’étudier quelles sont celles qui peuvent remplacer les énergies fossiles.
L’utilisation d’éoliennes est 2ème (éolien terrestre) et 22ème (éolien en mer) au « classement et résultats d’ici 2050 ».
On apprend qu’utiliser l’énergie du vent présente certes des inconvénients (notamment la fabrication des éoliennes ou leur aspect inesthétique) et aussi de nombreux avantages : « le vent est la source nouvelle d’énergie la moins coûteuse ».
On apprend également que l’industrie des combustibles fossiles est subventionnée, selon les estimations du FMI, à hauteur de « 10 millions de dollars par minute ». 10 millions de dollars par minute, vous avez bien lu ! L’éolien l’est nettement moins (on peut comparer avec l’agriculture chimique, soutenue par de nombreuses subventions, et l’agriculture biologique).
Diminuer drastiquement l’usage des énergies fossiles permettra de réduire la consommation d’eau. En effet, « l’éolien en utilise de 98 à 99% moins que l’électricité produite à partir de combustibles fossiles ».
Le nucléaire comme source d’énergie est 20ème au classement. Si les auteurs de Drawdown évoquent les nouveaux modèles de centrales nucléaires, encore à l’étude, plus petits et plus sécurisés que les modèles en fonction, ils soulignent pourtant que malgré l’intérêt en terme d’énergie, cette solution « nucléaire » n’est absolument pas souhaitable. Elle est en effet bien trop dangereuse et bien trop polluante (ouf…).
- Le point de bascule – Alimentation
Le contenu de nos assiettes est un des leviers les plus importants de l’inversion du cours du réchauffement climatique. C’est surtout celui qui est le plus rapidement à notre portée, même s’il n’est pas forcément facile à changer pour certains d’entre nous. Il présente des avantages majeurs et variés.
La 4ème solution au classement et résultats d’ici 2050 est en effet d’adopter une alimentation riche en végétaux. Il s’agit donc de consommer BEAUCOUP de végétaux et très peu (voire pas du tout) de viande.
« Notre passion pour la viande se traduit par l’élevage de 60 milliards d’animaux qui monopolisent près de la moitié des terres agricoles pour leur alimentation et leurs pâturages. On estime que les émissions du bétail, notamment de dioxyde de carbone, d’oxyde d’azote et de méthane, sont responsables de 18 à 20 % des gaz à effet de serre émis annuellement, une part que ne dépassent pas les combustibles fossiles. Ajouter au bétail toutes les autres émissions liées à la nourriture, des exploitations agricoles au gaspillage alimentaire : ce que nous mangeons deviens alors la première des grandes causes du réchauffement planétaire, avec le secteur de l’énergie. »
Manger moins de viande, ou ne plus en manger du tout n’est donc pas seulement un soutien aux conditions de vie des animaux : c’est une condition de notre survie.
Contrairement aux croyances populaires, il est tout à fait possible de ne pas du tout manger de viande et d’être en bonne santé, plein d’énergie. Il est aujourd’hui reconnu que la trop grande consommation de protéines animales peut être une cause de pathologies cardiovasculaires, de certains cancers, etc.
Il est donc primordial de ré-inventer notre alimentation, de (re)découvrir les palettes de saveurs et de couleurs proposées par une alimentation presque exclusivement végétale.
Notre santé en sera bien meilleure !
Pour celles et ceux qui ont l’habitude d’avoir une alimentation carnée, il existe des substituts de viande, de plus en plus nombreux et de qualité gustative croissante, qui permettent de modifier les habitudes alimentaires doucement et sûrement.
« Au lieu de se cantonner au statut d’exceptions, les options végétariennes devraient être la norme, notamment dans les institutions publiques comme les écoles et les hôpitaux. »
La vraie solution est là : « Il est également nécessaire de redéfinir la viande comme un mets rare et fin plutôt que comme une denrée de base ». Choisir de la bonne viande, issue d’un élevage local et bio, à taille humaine, et la réserver aux repas de fête est certainement la meilleure des alternatives.
« Comme le dit le bouddhiste zen Thich Nhat Hanh, faire la transition vers un régime à base de végétaux pourrait bien être la manière la plus efficace pour un individu d’avoir une incidence sur le changement climatique. Selon des études récentes, il dit vrai : parmi les solutions climatiques de cette ampleur, peu sont à ce point à portée de nos fourchettes. »
La réduction du gaspillage alimentaire est 3ème au classement des solutions pour inverser le réchauffement climatique : « des populations ont besoin de nourriture et n’en ont pas, et de la nourriture non consommée contribue au réchauffement planétaire ».
C’est un des plus gros paradoxes de notre monde : le gaspillage alimentaire est à la hauteur du nombre de personnes qui souffrent de la faim.
« Si l’on adopte des régimes riches en végétaux et que le gaspillage alimentaire est réduit de moitié d’ici 2050, on pourrait éviter l’équivalent de 26,2 gigatonnes de dioxyde de carbone. Cette réduction permet également de ne pas recourir à la déforestation qui serait sinon nécessaire pour dégager des terres agricoles supplémentaires. »
L’agroforesterie est une proposition à la fois simple et ingénieuse. Elle est 28ème au classement. L’agroforesterie ? « C’est une sorte de Manhattan de la production alimentaire, optimisant à la fois l’espace horizontal et vertical ».
« Les systèmes multistrates permettent d’éviter l’érosion des sols et les inondations, de recharger les nappes d’eau souterraines, de restaurer les terres et les sols dégradés, de soutenir la biodiversité en fournissant un habitat et des passerelles entre les écosystèmes fragmentés, et d’absorber et de stocker des quantités considérables de carbone. (…) avec un avantage supplémentaire : la production de nourriture ».
Parmi les solutions au niveau de l’alimentation, peut-être avez-vous déjà entendu parler des « jardins-forêts », qui sont une version « petite taille » de l’agroforesterie. Ils sont qualifiés de « symboles de la durabilité » (par l’expert en agroforesterie P.Nair). Ils peuvent être créer partout, tant en ville qu’à la campagne ou en montagne, et parmi leurs nombreux avantages, ils apportent à la fois une stabilité au niveau de l’apport de nourriture et une « stabilité économique à long terme »
- Le point de bascule – Femmes et filles
Les 3 solutions décrites dans le chapitre intitulé « Femmes et filles » concernant directement 51% de la population mondiale. Ces solutions qui visent à améliorer la vie et les droits des femmes et des filles dans le monde sont les plus inattendues et également les plus efficaces sur le réchauffement climatiques, si on les combine !
Au classement de Drawdown, la planification familiale se place en 7ème position. « Pour les femmes, faire des enfants par choix plutôt que par hasard et planifier leur nombre et leur rythme sont des questions d’autonomie et de dignité ». L’idée est d’offrir aux femmes, et à leurs enfants, un système de « haute qualité » : « lorsque la planification familiale est axée sur la fourniture de soins de santé et sur la réponse aux demandes exprimées par des femmes, les objectifs premiers sont l’autonomisation, l’égalité et le bien-être ; les avantages pour la planète en sont des effets secondaires ». L’avantage principal pour la planète est la réduction des concentrations de gaz à effet de serre.
« L’éducation des filles a une incidence majeure sur le réchauffement planétaire ». L’éducation des filles, notamment (et pas seulement) en contribuant à diminuer la croissance démographique, est classée 6ème des solutions envisagées. L’éducation des filles, au moins jusqu’à la fin du secondaire, permet d’accroître leur bien-être, leurs conditions de vie, leur liberté, leur pouvoir de décision, et le pouvoir d’agir positivement sur le monde.
« L’éducation des filles est à elle seule le facteur social et économique le plus important en matière d’atténuation de la vulnérabilité aux catastrophes naturelles ».
En combinant une planification familiale de haute qualité et l’éducation des filles (voire des femmes), Paul Hawken et ses chercheurs estiment à 59,6 gigatonnes d’émissions en moins d’ici 2050 : la combinaison deviendrait alors la solution la plus efficace pour inverser le changement climatique !
« En matière de changement climatique, nourrir les promesses que renferme chaque fille façonne notre avenir à tous ».
- Le point de bascule – Bâtiments et villes
Il est possible de rêver les villes comme des « espaces régénérateurs pour l’environnement et le bien-être humain ».
Imaginons les toits végétalisés sur la plupart des bâtiments. Les toitures végétalisées deviennent de véritables espaces verts dans la ville, elles isolent efficacement les bâtiments (en saison chaude et en saison froide), elles absorbent du carbone, filtrent l’atmosphère, apportent de la beauté et de la nature en milieu urbain, ramènent du vivant en ville… les avantages sont considérables et compensent rapidement et facilement les coûts d’installation et d’entretien (73ème au classement des solutions).
Le vitrage et les thermostats intelligents, les pompes à chaleur, le chauffage urbain font partie des solutions que l’on peut mettre en place dès aujourd’hui.
La rénovation des bâtiments et leur excellente isolation sont également une combinaison permettant de réduire drastiquement la consommation énergétique.
- Le point de bascule – Affectation des terres
Évidemment, la protection des forêts a un rôle majeur dans le plan proposé par Drawdown. « Selon le World Wildlife Fund, le monde continue de perdre l’équivalent de 48 terrains de foot par minute ». Les terrains de foot ont le mérite d’être faciles à visualiser. Il est nécessaire d’arrêter de massacrer les arbres, partout dans le monde.
« Selon les estimations, les émissions de carbone dues à la déforestation et au changement d’affectation des terres qui en résulte représentent 10 à 15% du total mondial ». La forêt amazonienne est la « plus grande ressource naturelle au monde ». Si l’on souhaite qu’elle existe encore dans 40 ans (nous en avons tous besoin), il est temps d’appuyer les financements pour sa protection.
Le bambou. Le bambou ? Oui, le bambou, sa culture et son utilisation, est classé 35ème des solutions. Le bambou a une croissance très rapide, il repousse après avoir été coupé, il permet la construction de maisons et de bâtiments, peut être transformé en nourriture, en papier ou en biocombustibles, et il est « un fantastique outil de séquestration du carbone ». Comme il a tendance à prendre ses aises, il est important de choisir les endroits où on l’invite à pousser et de surveiller sa croissance.
La gestion des terres par les peuples autochtones (39ème au classement et résultats) est à mon avis absolument vitale. Peut-être connaissez-vous l’histoire des Indiens Kogi qui rachètent des terres avec l’aide de l’association Tchendukua (Eric Julien, à écouter sur France Inter) ? Les Kogis nous appellent les « petits frères ». Ils nous regardent avec la bienveillance des grands qui regardent les petits faire des bêtises. Et ils tentent de réparer nos bêtises en rééquilibrant la Terre. Pour faire ce travail, ils ont besoin de leurs terres.
C’est une des raisons pour lesquelles il est fondamental que les peuples autochtones, garants d’un certain équilibre, puissent aussi « gérer » la forêt. Ils la préservent et la protègent d’autant mieux qu’ils interagissent avec les arbres comme avec des humains.
Dans le chapitre consacré à l’affectation des terres, vous pourrez lire l’histoire de Yacouba Sawadogo, l’« homme qui arrêta le désert », qui prouve qu’avec un profond désir, de la volonté et une belle persévérance, tout devient possible, même repousser le désert.
Les arbres sont « l’arme secrète » de ce fermier du désert : « Je crois que les arbres sont une réponse partielle au changement climatique, et j’ai essayé de diffuser cette information autour de moi. Je suis convaincu, grâce à mon expérience personnelle, que les arbres sont des poumons. Si nous ne les protégeons pas, si nous n’augmentons pas leur nombre, ce sera la fin du monde ». C’est ainsi que l’agroforesterie se répand, avec un succès croissant.
La restauration des forêts tempérées et le boisement (créer de nouvelles forêts), notamment le boisement basé sur les recherches d’Akira Miyawaki, qui défend la « recréation de forêts indigènes authentiques », plutôt que la création de « monocultures forestières » fragiles et sans vraie biodiversité. « Sur une superficie de la taille de six places de parking, on peut faire naître une forêt de trois cents arbres, et ce pour un coût équivalent à celui d’un iPhone ». Cette idée rejoint celle du magnifique « L’homme qui plantait des arbres » de Giono. Chacune et chacun d’entre nous pourrait devenir celui ou celle qui plante des arbres !
Notre société commence à regarder les arbres comme des êtres vivants : le travail de Peter Wohlleben avec « La Vie secrète des arbres. Ce qu’ils ressentent, comment ils communiquent » nous invite à découvrir la vie intime et passionnante de la forêt.
- Le point de bascule – Transports
Nous voyageons de plus en plus. A moins de parvenir très rapidement à se téléporter (excellente solution) ou à transplaner (pour les fans d’Harry Potter), il est intéressant de réfléchir aux solutions permettant de minimiser l’impact des transports sur notre planète.
Les transports en commun (37ème au classement) sont une solution évidente pour minimiser l’émission de dioxyde de carbone. Pourtant, l’utilisation des transport en commun diminue à mesure que le niveau de vie augmente. L ‘équipe de Drawdown souligne l’importance de financer des transports en commun « efficaces et désirables », qui donnent envie de quitter la bulle de la voiture individuelle pour circuler.
Le covoiturage pourrait être le lien entre l’individualité de la voiture et la mise en commun du mode de transport. Covoiturage est un « mot nouveau pour une pratique ancienne ». Être seul(e) dans sa voiture est en effet un luxe relativement récent. Ce sont les technologies de pointe liées aux « ordinateurs de poche » que sont les smartphones qui permettent aujourd’hui un covoiturage choisi, économique pour tous et surtout pour la planète (75ème au classement).
Et si on laissait sa juste place à « la petite reine » ? La bicyclette convient parfaitement pour les courts trajets, notamment en ville. Elle bénéficie à la fois à l’environnement et à notre santé. Les vélos électriques semblent être une alternative pleine d’avantages : le moteur prend le relai quand il faut être rapide, quand on fatigue, quand notre lieu de vie est trop pentu. Les inconvénients sont pour l’instant d’ordre financier, car les batteries de qualité sont chères. Pourtant, par rapport au coût d’une voiture et de son entretien, il y a de quoi réfléchir… (69ème au classement).
La téléprésence ? C’est la « possibilité d’être là-bas tout en agissant ici ». Si la téléprésence de qualité permet de diminuer les déplacements, elle « peut éviter l’émission de 2 gigatonnes de dioxyde de carbone sur trente ans ». Un bon avant-goût de la téléportation !
- Le point de bascule – Matériaux
« Les déchets, c’est de la nourriture ». Cette formule du biologiste John Todd était visionnaire pour l’homme, tout en étant une évidence dans le monde végétal et animal. Il s’agit de « réduire », « réutiliser », « recycler ».
Le recyclage des déchets ménagers (55ème au classement), des déchets industriels (56ème), ou du papier (70ème) permet de renouer logiquement avec le cycle de la vie, et d’arrêter de jeter pour jeter, mais de réfléchir à notre utilisation des matériaux.
« Réduire, réutiliser, recycler ». « Les « trois R » sont devenus un mantra pour faire face au défi du gaspillage ». « Il s’agit d’abord de réduire notre consommation, puis de réutiliser ce que nous possédons déjà, et en dernier recours de recycler ». Des mesures diverses sont adoptées à travers le monde pour faciliter la collecte des déchets et changer rapidement les comportements. La vision de la nouvelle génération d’industries s’éloigne du « accaparer, fabriquer, jeter » de l’ère industrielle. « La responsabilité élargie du producteur (REP) est une mesure de plus en plus populaire, qui rend les entreprises responsables non seulement de la production de biens, mais aussi de leur gestion après utilisation ». Quant au papier, « la production de papier recyclé (est) cent fois moins nocive pour le climat que celle de papier vierge ». En effet, « plus on récupère et recycle de papier, moins on a besoin de déboiser et d’incinérer ».
Et de qui dépend l’accroissement du recyclage du papier ? Des consommateurs. Bref, de vous et moi : « la demande des clients, tant dans la vente au détail que dans le commerce de gros, est un autre aspect essentiel qui poussera l’industrie à investir dans cette solution ».
Les fluides frigorigènes sont 1ers au classement des solutions proposées par Paul Hawken et son équipe. Les gaz réfrigérants (CFC et HCFC), responsables des trous dans la couches d’ozone, ne sont plus utilisés. Grâce à leur élimination, la couche d’ozone se régénère. C’est très encouragement.
Les fluides frigorigènes, qui remplacent les CFC et HCFC précédemment cités, ont une « capacité à réchauffer l’atmosphère mille à neuf mille fois supérieure à celle du dioxyde de carbone ». On trouve ces fluides dans notre réfrigérateur, dans les climatiseurs, dans les rayons frais des magasins… « Ces fluides sont aujourd’hui à l’origine d’émissions tout au long de leur cycle de vie (…) mais c’est à leur fin de vie que les dégâts sont les plus importants : 90% des émissions sont alors produites ».
La climatisation a remplacé les ventilateurs et se multiplient rapidement, faisant partie de nos habitations ou de nos lieux de travail. Et pourtant : « produire du froid aggrave le réchauffement de la planète ». « A mesure que les températures montent, la dépendance aux climatiseurs s’accentuent. »
Un accord a été signé à Kigali en 2016 rendant obligatoire l’élimination de ces fluides frigorigènes. Cependant, le temps que l’élimination obligatoire soit mise en oeuvre, l’utilisation des climatiseurs et réfrigérateurs dans le monde ne cesse de croître.
- Le point de bascule – Bientôt près de chez nous
Bientôt près ou loin de chez nous, ce chapitre présente des solutions inventives et originales, et surtout pleines de promesses.
Auriez-vous imaginé que repeupler les steppes sibériennes avec des poneys puisse être une solution pour inverser le cours du réchauffement ? La solution est pourtant aussi simple qu’efficace : « pour garder la planète au frais, il faut que les régions subpolaires soient couvertes d’herbes et non d’arbres, et pour ce faire, il faut y réintroduire des herbivores ».
« La région circumpolaire arctique contient, conservées au frais, 1400 millions de tonnes de carbones, soit deux fois plus que toutes les forêts de la planète. Le pergélisol, aussi appelé permafrost, couvre 24% de l’hémisphère nord (..) il est en train de fondre. Lorsque la température planétaire aura augmenté de 1,5 degré Celsius, il libérera des quantités considérables de carbone et de méthane dans l’atmosphère. »
L’importance de ce processus est tel que l’équipe de Drawdown considère que si ce projet de repeupler la steppe-toundra était mis en œuvre avec efficacité, il deviendrait la solution n°1.
Allier les pâtures et les arbres ? Le sylvopastoralisme est « l’un des moyens les plus efficaces qui existent pour capter le carbone. » Quand l’élevage est complémentaire de la culture d’arbres et d’herbes, « le taux de séquestration de carbone (est) d’environ 7 tonnes annuelles par hectare ».
Comment transformer un « bout d’asphalte en une force sociale et environnementale positive » ? C’est l’objectif des autoroutes intelligentes. Elles visent à « intégrer des voies spéciales qui alimenteraient (les véhicules électriques) pendant qu’elles roulent, sans même s’arrêter ». La surface des autoroutes est exposée aux rayonnement solaire, et peut donc être recouverte de panneaux solaires, créant ainsi de l’énergie.
- Le point de bascule – Comment faire ?
Cet ouvrage donne l’espoir d’améliorer efficacement et rapidement l’état climatique de la planète.
Que pouvons-nous faire à l’échelle individuelle ? Choisir notre alimentation, modifier nos habitudes de déplacement, consommer avec conscience, etc. Mais surtout, les individus peuvent s’associer pour agir à plus grande échelle. En créant un mouvement d’individus portés par les mêmes motivations, nos actions prennent du poids. Nous pouvons choisir de travailler à la mise en œuvre de solutions, au niveau personnel ou professionnel. Quitter les emplois qui manquent de sens pour passer du temps à faire ce qui doit être fait.
« La défense du monde ne peut passer que par l’unification, l’écoute et l’action collective ».
« Les solutions reposent sur les communautés, la collaboration et la coopération ».
« Nous sommes devenus des êtres humains en travaillant main dans la main et en nous entraidant. C’est toujours vrai. Ce dont nous avons besoin pour inverser le cours du réchauffement planétaire, c’est que chacun se rappelle véritablement qui il est ».
Fermons les yeux et imaginons que toutes ces solutions sont déjà mises en oeuvre, que le réchauffement climatique n’est plus qu’un souvenir, que des microfermes en permaculture existent partout dans le monde, produisant localement de la nourriture abondante, délicieuse et saine, que les arbres sont souverains sur notre planète et que les forêts sont magnifiques et riches de vie, que les animaux ont des espaces sauvages pour s’épanouir, que l’homme vit pleinement son intelligence et préserve la Vie avec amour, avec conscience…Rêvons intensément à ce que nous souhaitons créer et changeons notre réalité.
Les citations, en italique et entre guillemets, sont issues du livre.
Lectures indispensables, à commander chez votre libraire, ou à faire répertorier par votre bibliothèque :
Nous savons qu’il nous reste peu de temps pour agir. Un nombre toujours plus important de scientifiques nous mettent en garde : dans quelques années, il sera trop tard. Le changement climatique menace de défaire le tissu social, de saper les fondations mêmes de la démocratie et de précipiter la disparition de nombreuses espèces. Dont l’être humain. Fort de cette urgence, Drawdown propose une feuille de route à l’usage des gouvernements, des territoires, des villes, des entreprises et de chacun d’entre nous. Plutôt que de baisser les bras, ce livre veut nous aider à surmonter la peur, la confusion et l’apathie, pour passer à l’acte. Drawdown désigne le point de bascule à partir duquel la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, après avoir atteint un pic, se met à diminuer d’une année sur l’autre. L’objectif de ce livre est de nous aider à engager cette bascule. Pour y parvenir, Paul Hawken et soixante-dix chercheurs ont élaboré un plan inédit : quatre-vingts solutions pour inverser le cours du changement climatique. En décrivant leurs impacts positifs sur le monde financier, les relations sociales et l’environnement, ils nous enjoignent à organiser notre action : commencer par ce qui aura le plus d’impact et construire une stratégie globale. Nous disposons de tous les outils nécessaires, à nous de nous mettre au travail.
Que faire face à l’effondrement écologique qui se produit sous nos yeux ? Dans ce petit livre incisif et pratique, l’auteur de Demain s’interroge sur la nature et sur l’ampleur de la réponse à apporter à cette question. Ne sommes-nous pas face à un bouleversement aussi considérable qu’une guerre mondiale ? Dès lors, n’est-il pas nécessaire d’entrer en résistance contre la logique à l’origine de cette destruction massive et frénétique de nos écosystèmes, comme d’autres sont entrés en résistance contre la barbarie nazie ? Mais résister contre qui ? Cette logique n’est-elle pas autant en nous qu’à l’extérieur de nous ? Résister devient alors un acte de transformation intérieure autant que d’engagement sociétal… Avec cet ouvrage, Cyril Dion propose de nombreuses pistes d’actions : individuelles, collectives, politiques, mais, plus encore, nous invite a considérer la place des récits comme moteur principal de l’évolution des sociétés. Il nous enjoint de considérer chacune de nos initiatives comme le ferment d’une nouvelle histoire et de renouer avec notre élan vital. A mener une existence où chaque chose que nous faisons, depuis notre métier jusqu’aux tâches les plus quotidiennes, participe à construire le monde dons lequel nous voulons vivre. Un monde où notre épanouissement personnel ne se fait pas aux dépens des autres et de la nature, mais contribue à leur équilibre.
Les citadins regardent les arbres comme des “robots biologiques” conçus pour produire de l’oxygène et du bois. Forestier, Peter Wohlleben a ravi ses lecteurs avec des informations attestées par les biologistes depuis des années, notamment le fait que les arbres sont des êtres sociaux. Ils peuvent compter, apprendre et mémoriser, se comporter en infirmiers pour les voisins malades. Ils avertissent d’un danger en envoyant des signaux à travers un réseau de champignons appelé ironiquement “Bois Wide Web”. La critique allemande a salué unanimement ce tour de force littéraire et la manière dont l’ouvrage éveille chez les lecteurs une curiosité enfantine pour les rouages secrets de la nature.